Il ne restait qu’une heure avant que les trois amis partent à la soirée magique tant attendue, c’est-à-dire celle du tournois de cartes Cadabra[1]. Les trois hommes avaient préparés leurs cartes afin d’essayer de vaincre le seigneur et maitre de tous les temps dans ce domaine, car il combattait enfin dans leur ville. Ce grand gourou se nommait Nikäo et jouait aux cartes Cadabra depuis le début des temps, même que des mythes racontent qu’il serait le créateur d’une carte si puissante et si originale que nul ne peut la vaincre ou l’obtenir, elle fut par conséquent nommée La carte d’or.
Vivance s’assit dans sa voiture et démarra afin de réchauffer le véhicule, puisque c’était l’hiver. Ses cheveux bruns d’ingénieur lui tombaient sur les yeux et il décida de les couper sur le champ, mais puisqu’il n’y en avait pas en ville, il les coupa dans la voiture. Bouquineur prit à son tour place à l’avant et alluma la radio, cette dernière prit évidemment feu et le révérant éteignit la chose à l’aide de sa soutane divine; ses yeux bruns, alarmés par la fumée, rencontrèrent les yeux bleus[2] de Vivance, qui soupira un bon coup. Le colonel Dijon arriva finalement et s’assit en arrière sans problème; ses courts cheveux châtains ne dirent pas un mot, car évidemment ils n’avaient pas de bouche. Ses deux yeux de verres luisirent si bien et avec tant d’animosité que les deux amis placés en avant durent plisser les leurs un instant. Ils étaient tous les trois heureux d’avoir la possibilité de mettre leur expérience et leur pratique à l’épreuve afin de vaincre le Dieu de ce jeu loufoque. Ils avaient chacun l’espoir de gagner une partie, car une seule serait nécessaire contre Nikäo, le plus que parfait joueur de cartes Cadabra.
Pour l’événement, les trois garçons s’étaient habillés comme il se doit afin de faire bonne impression sur les autres joueurs et peut-être troubler leur concentration. Vivance portait un chandail mince avec un col pour femmes, le tout couvert par un léger habit turquoise très féminin. Le révérant Bouquineur, lui, portait sa nouvelle soutane noire où de jolies fleurs blanches et vertes étaient brodées afin de créer une illusion de cheval courant dans la prairie. Finalement, le colonel Dijon était endimanché par sa veste jaune-cercueil à boutons en bois et par son chapeau haute-forme de style roxanéen[3] où une mousse rugueuse et insolite prenait lentement forme. Ils ne se rendirent même pas compte du parcours qu’ils avaient fait en voiture, puisque l’histoire débute devant le bâtiment où se déroulait le tournoi et qu’ils étaient retournés dans la voiture par peur du dominateur sans défauts qu’ils devaient combattre. Ils durent bien se faire à l’idée que c’était ici une opportunité unique pour eux de se démarquer du nombre[4] et de devenir de vrais héros, ce pourquoi ils sortirent une seconde fois du véhicule et entrèrent dans le bâtiment où une petite clochette alerta l’arrivée de clients.
Il ne restait que dix minutes avant le début du tournois, nos héros firent leur inscription respective et jetèrent un coup d’œil aux joueurs déjà arrivés; quelques uns plus communs que d’autre et de parfaits inconnus que nous ne décrirons pas ici, puisqu’ils ne sont d’aucune importance pour l’histoire et ne permettent que d’allonger le texte de quelques petites lignes. Enfin bref, l’arbitre des tournois entra leur nom dans la machine qui allait définir le nom de chaque adversaire. Ce dernier se nommait Boisbleu et était un très, très mince garçon aux cheveux blonds et à la longue barbe de la même couleur de manière à s’assortir aux autres poils. L’invincible génie Nikäo n’était pas encore arrivé, Bouquineur alla donc discuter avec les autres joueurs qu’il avait tendance à fréquenter durant les précédents tournois aillant lieux une fois par semaine : il y avait Divad, un genre de ballot colérique qui pouvait tuer d’un seul coup de genoux au travers d’une table n’importe quel joueur trop téméraire ou effronté à son égard. Il y avait aussi Marcrack, un jeune blanc-bec au couvre-chef noir et aux yeux rouges, certains disaient de lui être un dangereux criminel revendeur[5]. Ensuite, il y a Pruneau, un jeune garçon atteint de la maladie de Dhiar-Ré poussant le sujet à de nombreuses visites aux toilettes. Puis, nous avons Chaloupe, un gentil bonhomme au gabarie généreux et aux cheveux invisibles, ce dernier était toujours accompagné de son acolyte Von El Pourri, de taille moyenne et de minceur moyenne avec une habileté à jouer pas si moyenne que ça. C’est maintenant le tour de Mich-Kaël, le patriarche passant de temps à autre voir les nouveaux venus afin de leur travailler les nerfs et de vérifier s’ils ont ou non le potentiel de se frotter à la cours des grands. Il y a aussi Gaztron, un Agent de la sureté, plus grand et plus baraqué que douze réfrigérateurs et pour lui, gagner était la clé d’une bonne partie de cartes Cadabra, sinon il pouvait arrêter[6] l’adversaire. Il ne restait que dix secondes avant le début du tournoi quand soudainement la cloche de l’entrée retentit et explosa sur le coup, tout le monde se retourna.
Il venait d’entrer et déjà, en moins de ces dix secondes, il avait réussit à s’inscrire et à prendre place au centre des tables de duels. Il avait de courts cheveux de couleurs blés enchantés, des yeux d’un délicieux noisette portés par un regard d’acier, un minois à en faire pleurer un saint et une intelligence hors du commun que seuls de rares sages péruviens avaient réussit à acquérir; c’était bien lui, le seul et l’unique Nikäo. Sans ne dire mot, il sortit ses cartes de nul ne sait d’où et les posa sur la tables et là tout le monde pouvait voir briller la couverture lisse et duveteuse de ces dernières. Boisbleu annonça donc que le tournois se déroulerait en quatre combats et nomma les joueurs en fonction de leur rencontre; Vivance était contre Chaloupe, Bouquineur était contre Divad et Dijon contre Marcrack. C’était Pruneau le malchanceux qui devait affronter le surhumain Nikäo; il fondit en larme et prit place avec grande difficulté en face de son éclatant adversaire, les parties commencèrent.
Vivance et Chaloupe se tapèrent dessus sans arrêt avec des plantes et des goutes d’eau, rien de très passionnant et de fonctionnel, c’est Vivance qui sortit vainqueur du combat puisqu’il était perplexe. Du côté de Bouquineur, c’était un brin plus ardu, car Divad utilisait des montagnes contre lui. Le révérant réussit à le déjouer en lui récitant un petit chapelet et en lui montrant un vampire très captivant. Du côté de Dijon, ce fut pour lui aussi une victoire, car son ennemi juré depuis fort longtemps était entrain de prendre des vitamines illicites afin d’augmenter sa force en jeu, il fut donc disqualifié et traita le révérant et le colonel de « crackés ». En ce qui concerne le combat de Nikäo, il fut terminé avant-même que les autres commencent et le jeune Pruneau ne fut jamais retrouvé. C’était maintenant le deuxième combat qui allait débuter.
Vivance avait maintenant pour adversaire Von El Pourri, qui avait quelques cicatrices à cause de son premier combat contre Mich-Kaël qui lui laissa la victoire pour sortir acheter quelques boites de cartes. Bouquineur devait affronter Gaztron et c’était Dijon qui devait tenter de combattre le vénérable et transcendant Nikäo. L’ingénieur aux vêtements très peu masculins réussit avec un coup de chance à vaincre son adversaire infesté à l’aide d’une douce demoiselle alléchante[7]. Bouquineur parcouru son livre divin[8] et usa de ruse pour vaincre l’Agent de sureté à l’aide de l’objet qui lui faisait le plus peur, c’est-à-dire un kilt amical[9] placé sous sa toge. Dijon n’eut malheureusement pas la même chance et dû confronter non pas un, mais trois Nikäo, qui avait le pouvoir de se tripler afin de vaincre son adversaire à l’aide de ses doubles sans poser le moindre geste. Il ne fit qu’une bouché du colonel et se cura les dents par la suite. Le troisième combat allait avoir lieu.
Vivance se plaça maintenant devant Divad, qui avait quelques taches de sang sur son linge provenant du front de Chaloupe. Bouquineur prit place en face du grand ange à la pureté chatoyante nommé Nikäo et finalement, Dijon déclara forfait, car son dernier combat lui fit si mal qu’il ne pouvait s’empêcher de rouler sa personne dans un coin de la salle en répétant des mots incompréhensibles[10]. Quelques duels furent plus longs que d’autres du côté des inconnus, car il y avait du contrôle[11] un peu partout, cela n’empêcha pas Vivance de suivre le rythme et de boucher le volcan de Divad à l’aide de toute son eau et de ses nombreux crabes; une victoire de plus de son côté, il était presque certain d’obtenir la seconde position au classement. Bouquineur s’acharnait et tentait désespérément en priant son adversaire afin de le blesser un tant soi peu, mais ce fut en vain, car Nikäo invoquait sans peine de multiples démons qui fauchèrent littéralement l’armée blanche du révérant. Celui-ci abandonna avant de perdre sa personne dans la folie que pouvait engendrer une des cartes du miraculeux homme en face de lui. Dans un élan de pure générosité face à Bouquineur, le titan lui permit de se retirer sans plus de souffrance. C’était finalement l’heure du dernier duel.
Vivance était contre l’irremplaçable et l’irréprochable Nikäo, tous et chacun regardèrent le combat; certains priaient, d’autres avaient des larmes aux yeux, même Dijon avait réussit à prendre son courage à deux mains et demi afin de regarder les gestes majestueux et divins du magnifique Nikäo. La chance et la féminité de l’ingénieur Vivance l’aidait grandement au point où il allait bientôt blesser le chevaleresque ennemi devant lui et ce, jusqu’à ce qu’il sorte de sa manche une carte dorée, sculptée par de la lave Bolassienne[12] et signée dans le sang[13], son nom était illuminé et fit baver Divad qui appréciait énormément les choses qui brillent. Nous pouvions y lire : Jaze le Scalpeur. Comme de fait, elle fit bondir Vivance qui tomba par terre et perdit le combat selon la règle 2.3.1 du tournoi[14]. C’en était fait de lui. Les trois amis ne s’étaient évidemment pas amusés, car il faut absolument gagner pour acquérir ce droit.
Boisbleu remit les prix aux vainqueurs des trois premières places, en l’occurrence Nikäo dans les trois positions, puisque lui-seul méritait ces prix. Il s’en empara, les brûla sur place sans même les regarder et repartit dans son monde céleste et idéal où jamais un homme ne pourra le trouver; c’était l’homme qui parlait à l’oreille des cartes.
[1] Les cartes Cadabra sont des cartes à jouer utilisées dans des tournois où deux joueurs s’affrontent à l’aide de monstres, d’équipements et de sortilèges. Les règles sont largement trop compliquées pour être expliquées en notes de bas de page
[2] Ils ne sont pas bleus, en fait
[3] Où l’arrière est plus large que le reste
[5] De gourmandises pour jeunes adolescents
[6] En tant qu’Agent de la sureté, il le faisait au sens littéral
[8] Le livre de règles des cartes Cadabra
[9] De son nom irlandais Kilt Fiend
[10] Des mots inutiles tels que Sphinx Bones Wand et Mox Opal
[11] Un mélange de bleu et de blanc, ce qui allait merveilleusement avec la couleur turquoise de la veste à Vivance
[13] La véritable interprétation serait Signée par le sang
[14] « Quiconque tombe de sa chaise contre Nikäo perd automatiquement »